Les accès précoce et compassionnel

Il est à noter en préambule que l’instruction des demandes d’accès compassionnel est du ressort de l’ANSM, tandis que celle des demandes d’accès précoce relève de la HAS.

Cette page est à jour des modifications apportées par la LFSS pour 2024.

L’accès compassionnel

L’accès compassionnel est une procédure spécifique pré-AMM prévue par l’article L.5121-12-1 du code de la santé publique. Elle permet « l’utilisation exceptionnelle » de « certains médicaments, dans des indications thérapeutiques précises », si ces médicaments sont dépourvus d’AMM dans ces indications et si trois conditions sont remplies :

  1. le médicament ne fait pas l’objet d’une recherche impliquant la personne humaine à des fins commerciales
  2. il n’existe pas de traitement approprié disponible
  3. l’efficacité et la sécurité du médicament sont présumées au regard des données cliniques disponibles et, dans le cas où l’indication concernée est une maladie rare, au regard des travaux et données collectées par les professionnels de santé.

L’accès compassionnel est possible dans deux applications :

  • par le biais de l’autorisation d’accès compassionnel (AAC) prévue au II.- de l’article L.5121-12-1 CSP ;
  • par le biais d’un cadre de prescription compassionnelle (CPC) prévu au III.- de l’article L.5121-12-1 CSP.

1. L’autorisation d’accès compassionnel

L’autorisation d’accès compassionnel (AAC) (ex-ATU nominative) consiste en :

  • une autorisation de l’ANSM, pour une durée maximale d’un an renouvelable
  • permettant l’utilisation d’un médicament ne disposant pas d’une AMM ou d’un médicament ayant fait l’objet d’un arrêt de commercialisation et dont l’AMM ne porte pas sur l’indication thérapeutique sollicitée 
  • à la demande d’un médecin prescripteur
  • en vue du traitement d’une maladie grave, rare ou invalidante
  • pour un patient nommément désigné.

Par dérogation, il est possible d’obtenir une autorisation d’accès compassionnel (AAC) pour un médicament faisant l’objet d’une recherche impliquant la personne humaine à des fins commerciales. Ces recherches doivent cependant être « à un stade très précoce », et l’AAC n’est accordée que lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut être différée, et que le patient ne peut participer à cette recherche.
Dans ce cas spécifique, souvent appelé accès très précoce (et davantage assimilé par les acteurs industriels à un accès « pré-accès-précoce » qu’à un accès compassionnel), le titulaire des droits du médicament doit déposer une demande d’accès précoce dans l’indication concernée et dans un délai que le décret du 21 avril 2023 (codifié à l’article D.5121-74-1-1 CSP) a défini à 12 mois (18 mois pour une indication dans une maladie rare). Cet « accès très précoce » fait l’objet du même mécanisme de remises que l’accès compassionnel, mais selon des barèmes différents (voir plus bas).

La demande du prescripteur visant à obtenir une AAC doit être adressée à l’ANSM, accompagnée d’un certain nombre d’informations détaillées au R.5121-74 CSP. Dès réception de la demande, l’ANSM informe le titulaire des droits du médicament concerné et lui demande de transmettre certaines informations détaillées au R.5121-74-1.

L’autorisation est accordée par le DG-ANSM pour un an (R.5121-74-3) renouvelable (R.5121-74-3). Sa délivrance est subordonnée à l’établissement par l’ANSM d’un protocole d’utilisation thérapeutique (PUT) et de suivi des patients (R.5121-74-5).

Les médicaments bénéficiant d’une AAC font l’objet d’une évaluation continue du rapport bénéfice-risques en fonction des données dont le titulaire dispose (R.5121-74-7).

Les conditions de suspension, de retrait et d’arrêt d’une AAC sont précisées aux articles R.5121-74-8 et R.5121-74-9 CSP.

2. Le cadre de prescription compassionnelle

Le cadre de prescription compassionnelle (CPC) (ex-RTU), quant à lui, permet à l’ANSM, de sa propre initiative ou sur demande du ministre de la santé ou de la sécurité sociale, d’établir pour une durée de trois ans (renouvelable) un « cadre de prescription » pour un médicament faisant l’objet d’une AMM pour d’autres indications, « afin de sécuriser une prescription non conforme à cette autorisation ».

Par exemple, le médicament Avastin, disposant d’une AMM dans le traitement de différents cancers, fait l’objet d’un CPC dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), des études ayant montré l’efficacité de ce médicament dans cette indication sans que le laboratoire ne sollicite une extension.

Le CPC permet ainsi à des praticiens, en accord avec les données acquises de la science, de prescrire un médicament en dehors de l’indication pour laquelle celui-ci a obtenu une AMM. Un CPC ne peut ainsi être établi qu’en « l’absence de médicament autorisé ayant le même principe actif, la même forme pharmaceutique et le même dosage » (R.5121-76-1 CSP).

Comme nous le verrons ultérieurement, la prescription d’un médicament en dehors de son AMM et en l’absence d’un CPC reste possible ; dans ces cas, une telle prescription « peut faire l’objet d’un signalement par voie dématérialisée » auprès de l’ANSM « pour lui permettre d’apprécier l’opportunité d’établir » un CPC (R.5121-76-2 CSP).

Quand elle envisage la mise en place d’un CPC, l’ANSM peut demander au titulaire de l’AMM du médicament concerné de lui transmettre certaines informations précisées à l’article R.5121-76-3 CPC. Sur la base de ces informations et des signalements de prescriptions hors-AMM, l’ANSM évalue l’efficacité et la sécurité du médicament dans l’indication envisagée pour un CPC (R.5121-76-4 CSP) ; en cas de présomption de rapport bénéfice/risque favorable, elle élabore un projet de CPC, puis peut l’établir après le respect de certains formalismes prévus à l’article précité.

Le CPC est établi par le DG de l’ANSM ; il mentionne pour chaque médicament plusieurs informations essentielles précisées au R.5121-76-5, et est assorti d’un protocole d’utilisation thérapeutique et de suivi des patients (R.5121-76-6), qui précise notamment les conditions de recueil des données d’efficacité et de sécurité du médicament.

Le R.5121-76-7 précise que lorsqu’un médicament de référence ou un médicament biologique de référence fait l’objet d’un CPC, les médicaments de son groupe générique ou de son groupe biosimilaire autorisés postérieurement à l’établissement du CPC sont réputés couverts par celui-ci.

Le R.5121-76-9 précise les conditions de suspension ou d’abrogation d’un CPC.

3. La prise en charge financière des médicaments en accès compassionnel

L’article L.162-16-5-2 du code de la sécurité sociale dispose que les médicaments disposant d’une AAC ou d’un CPC « font l’objet d’une prise en charge, à titre dérogatoire et pour une durée limitée, par l’assurance maladie ».

Il faut alors distinguer plusieurs situations :

  • si le médicament est déjà inscrit, au titre d’une autre indication que celle pour laquelle il dispose d’une AAC ou d’un CPC, sur la liste des médicaments remboursables ou sur une liste rétrocession, alors la prise en charge s’effectue sur la base du taux de participation et du prix/tarif déjà prévu pour ce médicament dans l’autre indication ;
  • si le médicament n’est pas inscrit sur l’une de ces listes, alors la prise en charge s’effectue sur la base du prix facturé aux établissements de santé ; l’entreprise titulaire des droits du médicament déclare aux ministres de la santé et de la sécurité sociale le montant de l’indemnité maximale qu’il réclame aux établissements. Dans le cas où le médicament est déjà inscrit sur la liste collectivités et qu’il fait l’objet d’un prix maximal de vente aux établissements de santé (L.162-16-4-3 CSS), alors ce prix maximal s’applique.
  • toujours dans le cas où le médicament n’est pas inscrit sur la liste des médicaments remboursables ni sur une liste rétrocession au titre d’une autre indication, la prise en charge peut également s’effectuer sur la base d’un forfait annuel par patient, ce forfait étant défini par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Si la prise en charge n’est pas effectuée sur la base d’un forfait annuel par patient, l’entreprise titulaire du médicament doit reverser chaque année à la sécurité sociale des remises calculées sur la base du chiffre d’affaires HT facturé au titre de l’indication et de la période concernées. Ces remises sont annuelles (R.163-52 CSS).

Les barèmes progressifs par tranche de CA HT a été fixé par l’arrêté du 1er juillet 2021. En ce qui concerne les autorisations d’accès compassionnel, les voici :

Pour la partie de CAHT (*) comprise entreTaux de remises applicable

0 € et 1 000 000,00 €

0 %

1 000 000,01 € et 2 000 000,00 €

20 %

2 000 000,01 € et 5 000 000,00 €

60 %

Au-delà de 5 000 000,00 €

80 %

En ce qui concerne les cadres de prescription compassionnelle et les médicaments faisant l’objet d’autorisations d’accès compassionnel délivrées à un stade très précoce, des barèmes différents ont été fixés par le même arrêté.

Ces taux de remise sont majorés si l’entreprise n’a pas déposé de demande d’accès précoce dans les temps, ou si le nombre d’autorisations pour le médicament excède certains seuils. Ces mécanismes de majoration sont prévus à l’article R.163-52 CSS ainsi que dans l’arrêté du 1er juillet 2021 relatif aux seuils graduels d’AAC impliquant des majorations de remises.

La prise en charge au titre de l’accès compassionnel dans une indication cesse lorsque qu’une autorisation d’accès précoce est délivrée dans cette indication ; lorsqu’une qu’une décision d’inscription au remboursement au titre d’une AMM dans cette indication est prise ; ou lorsqu’un arrêté y met fin en cas de retrait ou de suspension de l’autorisation ou lorsqu’une alternative thérapeutique identifiée par la HAS est prise en charge.

Dans certains cas identifiés par le VI.- de l’article L.162-16-5-2 CSS, la prise en charge peut continuer même à compter de la fin de l’AAC ou du CPC.

L’accès précoce

L’autorisation d’accès précoce (AAP), anciennement Autorisation temporaire d’utilisation (ATU), est un dispositif permettant la mise à disposition et la prise en charge par la sécurité sociale d’un traitement avant même l’obtention par celui-ci de son autorisation de mise sur le marché (AMM), ou avant la prise en charge « de droit commun » par la sécurité sociale.

Très utile d’un point de vue éthique afin de commencer à soigner des malades dès que les autorités considèrent un traitement comme sûr, l’accès précoce est également apprécié des industriels car il permet de commencer à dégager le chiffre d’affaires d’un médicament avant la fixation d’un prix “de droit commun”.

La demande d’autorisation d’accès précoce est adressée aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ainsi qu’à la HAS, qui a en charge l’instruction et possède la compétence de délivrance de l’autorisation – il est à noter que le cas des accès précoce est le seul domaine dans lequel la HAS dispose d’un pouvoir de décision, étant sur ses autres champs de compétence bornée à une compétence de conseil.  

Cet accès précoce s’applique à deux cas de figures (II.- du L.5121-12 CSP) :

  • aux médicaments ne disposant pas d’une AMM dans l’indication considérée, et pour lesquels les entreprises titulaires de la spécialité ont déposé ou s’engagent à déposer une demande d’AMM – auquel cas, l’ANSM doit également être destinataire de la demande d’accès précoce (R.5121-68 CSP) afin de rendre un avis sur le fait que le médicament est fortement présumé efficace et sûr (III.- du L.5121-12 CSP). Ce dispositif d’accès précoce avant AMM est surnommé « AP1 » ;
  • aux médicaments disposant d’une AMM dans l’indication considérée sans être pris en charge par inscription sur la liste collectivités ou la liste des médicaments et spécialités remboursables, et pour lesquels les entreprises titulaires de la spécialité ont déposé ou s’engagent à déposer une demande d’inscription sur une de ces listes. Ce dispositif d’accès précoce après AMM est surnommé « AP2 ».

L’article L.5121-12 CSP dispose que l’accès précoce « régit l’utilisation, à titre exceptionnel, de certains médicaments, dans des indications thérapeutiques précises, destinés à traiter des maladies graves, rares ou invalidantes, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. Il n’existe pas de traitement approprié ;
  2. La mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée ;
  3. L’efficacité et la sécurité de ces médicaments sont fortement présumées au vu des résultats d’essais thérapeutiques ainsi que, concernant les vaccins, au vu des recommandations de bonne pratique de la HAS ;
  4. Ces médicaments sont présumés innovants, notamment au regard d’un éventuel comparateur cliniquement pertinent. »

Ces critères méritent que l’on s’y attarde. Si l’article R.5121-68 CSP précise que le laboratoire demandant à la HAS une autorisation d’accès précoce doit apporter à cette dernière « les éléments permettant d’établir, pour l’indication thérapeutique considérée » que les conditions sont remplies par le médicament, il reste de la compétence de la HAS (plus précisément de sa Commission de la transparence) d’évaluer si le médicament répond ou non à ces critères.

Or, les industriels ont eu l’occasion de relever que l’appréciation de ces critères par la HAS faisait planer le risque de décisions arbitraires, tant ceux-ci peuvent être formulés de façon large (en particulier la notion de présomption d’innovation, critère particulièrement flou et qui n’existait pas sous l’ancien régime des ATU de cohorte).

Afin de clarifier ses principes d’évaluation en ce qui concerne l’accès précoce, la HAS a publié une doctrine d’évaluation, adoptée par son collège en avril 2022. Cette doctrine précise ainsi les critères prévus à l’article L.5121-12 CSP :

  • le critère de la gravité ou du caractère invalidant de la maladie s’apprécie par la CT de la HAS « au regard du contexte médical sur la base de la description des symptômes et des atteintes d’organes, du taux de mortalité, de l’impact de la maladie sur la qualité de vie des patients » ; le critère de la rareté de la maladie s’apprécie au vue de « la prévalence et l’incidence » de celle-ci ;
  • le critère de l’absence de traitement approprié « vise à s’assurer qu’aucune option thérapeutique satisfaisante par rapport au médicament candidat à l’accès précoce n’est disponible pour le patient en pratique courante ». Un traitement approprié est défini par la HAS comme « une alternative thérapeutique médicamenteuse ou non médicamenteuse recommandée au même niveau de la stratégie thérapeutique à la date de l’évaluation, ET accessible en pratique courante en France à la date de l’évaluation, ET prise en charge par la solidarité nationale à la date de l’évaluation, ET disposant de données d’efficacité et de tolérance satisfaisantes ne suggérant pas de perte de chance pour le patient au regard de l’apport prévisible du médicament faisant l’objet de la demande d’AP ». Chacun de ces sous-critères est développé par la doctrine.

    Il est à noter qu’il ne faut pas confondre le traitement approprié avec le comparateur cliniquement pertinent, ce dernier étant utilisé par la HAS pour évaluer le médicament dans le processus de droit commun avant sa prise en charge. La HAS considère qu’un traitement approprié est nécessairement un comparateur cliniquement pertinent, mais que l’inverse n’est pas vrai.
  • le critère tenant à l’impossibilité de différer la mise en œuvre du traitement sans présenter un risque grave pour la santé du patient tient à une évaluation reposant « notamment sur l’existence ou non d’un traitement approprié ».
  • enfin, concernant le critère de la présomption d’innovation, la HAS précise que son appréciation « se fait au regard du plan de développement du médicament vis à vis de son (ses) comparateur(s) cliniquement pertinent(s) s’il(s) existe(nt) ».

    Elle précise que « dans l’attente de l’évaluation en vue de l’inscription sur les listes de remboursement » (évaluation de droit commun), un médicament « susceptible d’être innovant dans le cadre d’une autorisation d’accès précoce doit remplir les trois conditions suivantes » : (1) le médicament est une nouvelle modalité de prise en charge susceptible d’apporter un changement substantiel aux patients dans la prise en charge, que le mécanisme d’action de celui-ci soit nouveau ou non, que ce soit en termes d’efficacité, de tolérance, de praticité ou de commodité d’emploi ou de parcours de soins ; (2) le médicament dispose d’un plan de développement adapté et présente des résultats cliniques étayant la présomption d’un bénéfice pour le patient dans le contexte de la stratégie thérapeutique existante ; (3) il comble un besoin médical non ou insuffisamment couvert.

Concernant la durée de l’AAP, le III.- du L.5121-12 CSP précise que celle-ci ne peut excéder une limite fixée par décret et éventuellement renouvelable. Cette limite maximale a été fixée à un an par le décret n°2021-870 du 30 juin 2021 (D.5121-69-3 CSP), durée renouvelable dans des conditions précisées au R.5121-69-4 CSP.

L’AAP est subordonnée au respect, par l’entreprise titulaire du médicament, d’un protocole d’utilisation thérapeutique (PUT) et de recueil des données (PRD) élaboré en lien avec l’ANSM à la charge de l’entreprise (IV.- du L.5121-12 CSP). L’AAP est également subordonnée, depuis la LFSS pour 2024, à un “engagement d’approvisionnement approprié et continu du marché national, de manière à couvrir les besoins des patients en France”.

Lorsque l’AAP est délivrée, le prescripteur doit informer le patient que la prescription du médicament ne s’effectue pas dans le cadre d’une AMM mais d’une AAP, ainsi que des risques encourus et des contraintes et bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament. La mention « prescription au titre d’une AAP » doit également être portée sur l’ordonnance, avec précision « hors AMM » le cas échéant.

La HAS peut suspendre ou retirer l’AAP si les conditions prévues ci-dessus ne sont plus remplies, ou lorsque l’entreprise titulaire du médicament ne respecte pas l’engagement de déposer une demande d’AMM ou d’inscription ou remboursement, ou sur demande de l’ANSM. En cas d’urgence, cette dernière peut suspendre l’AAP.

La prise en charge financière des médicaments en accès précoce

L’article L.162-16-5-1 CSS dispose que « les spécialités pharmaceutiques disposant, pour des indications particulières, d’une autorisation d’accès précoce (…) font l’objet d’une prise en charge à titre dérogatoire par l’assurance maladie » dans certains établissements.

Les conditions de prise en charge sont précisées par l’article L.162-16-5-1-1 CSS. Il précise que le laboratoire titulaire du médicament disposant d’une AAP doit déclarer au Comité économique des produits de santé (CEPS) le montant de l’indemnité maximale qu’il réclame aux établissements de santé pour ce produit – sauf si celui-ci fait l’objet d’un prix maximal de vente aux établissements, ou s’il est inscrit sur la liste collectivités ou la liste en sus. Chaque année, le laboratoire doit informer le CEPS du chiffre d’affaires correspondant à ce médicament et du nombre d’unités fournies.

Autrement dit, les laboratoires pharmaceutiques sont libres de fixer le prix qu’ils souhaitent pour les médicaments qui bénéficient d’une autorisation d’accès précoce. Ce dispositif, qui apparaît de prime abord comme très avantageux, ne l’est finalement pas tant que cela. En effet, comme nous le verrons plus loin, lorsque le médicament sera pris en charge dans le « droit commun » à la suite de son inscription sur une liste de prise en charge, le laboratoire devra rembourser la différence entre le montant total qu’il a perçu de la part de la sécurité sociale et celui qu’il aurait perçu si le prix de droit commun s’était appliqué pendant l’accès précoce.

Le II.- de cet article dispose que, pour chaque indication, l’entreprise reverse chaque année à la sécurité sociale des remises (parfois surnommées « remises d’accès précoce » ou plus poétiquement « remises au fil de l’eau ») calculées sur la base du chiffre d’affaires hors taxe facturé aux établissements de santé. Les taux de ces remises sont définis selon un barème progressif par tranche de chiffre d’affaires fixé par l’arrêté du 1er juillet 2021 comme suit :


Pour la partie de CAHT (*) comprise entre

Taux de remises applicable

0 € et 1 000 000,00 €

10 %

1 000 000,01 € et 5 000 000,00 €

25 %

5 000 000,01 € et 20 000 000,00 €

35 %

20 000 000,01 € et 50 000 000,00 €

50 %

50 000 000,01 € et 100 000 000,00 €

60 %

Au-delà de 100 000 000 €

70 %

Ces taux de remise peuvent être majorés en l’absence de dépôt d’une demande d’AMM ou d’inscription au remboursement, en l’absence de signature d’une convention avec le CEPS fixant le tarif/prix dans les 180 jours suivant la demande d’inscription sur une liste de prise en charge, en cas d’inscription au remboursement d’une spécialité identifiée par la HAS comme répondant au besoin thérapeutique ; lorsque l’indication considérée fait l’objet d’une évaluation de la HAS remettant en cause la présomption d’innovation de la spécialité.

Pour résumer, pendant l’accès précoce :

  • le laboratoire fixe librement le prix du médicament disposant d’une AAP, les établissements de santé (et donc l’assurance maladie) rémunérant le laboratoire en fonction de ce prix ;
  • le laboratoire paie à la sécurité sociale des remises annuelles, calculées en fonction du chiffre d’affaires perçu au titre du médicament disposant d’une AAP.

Comme nous l’avons évoqué, la libre fixation du prix du médicament disposant d’une AAP présente bien sûr un revers. En effet le médicament, tôt ou tard, fera l’objet d’une inscription au remboursement « de droit commun » et sera donc pris en charge de façon pérenne par la solidarité nationale, à la suite de son évaluation par la HAS et de la négociation de son prix avec le CEPS.

Lorsque ce prix « de droit commun » sera fixé, le laboratoire devra rembourser à la sécurité sociale la différence entre le chiffre d’affaires qu’il a perçu pendant l’accès précoce, et celui qu’il aurait perçu si le prix « de droit commun » s’était appliqué pendant cet accès précoce.

Le III.- du L.162-16-5-1-1 CSS précise les conditions d’application de ce dispositif, en précisant que ce remboursement s’effectue « après déduction de la remise » d’accès précoce.

Bien entendu, s’il s’avère que le prix « de droit commun » est plus élevé que celui fixé par le laboratoire, la sécurité sociale reverse au laboratoire la différence, selon le même mécanisme. A notre connaissance, cela ne s’est jamais produit…

Cette prise en charge dérogatoire prend fin (L.162-16-5-1 CSS) :

  • lorsque l’indication est inscrite, au titre de son AMM, sur une liste de prise en charge et que l’avis de fixation du tarif/prix est publié ;
  • par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en cas de retrait ou suspension de l’AAP, en cas de refus d’inscription sur une liste de prise en charge, en cas de retrait de la demande d’AMM ou d’inscription sur une liste.

Le régime temporaire de prise en charge post accès précoce

La LFSS pour 2024 a créé un nouvel article au code de la sécurité sociale : le L.162-16-5-1-2, qui suit donc directement l’article L.162-16-5-1-1 sur la prise en charge des médicaments en accès précoce. Ce nouvel article crée un nouveau régime temporaire de prise en charge pour les médicaments dont la prise en charge au titre de l’accès précoce a pris fin pour cause d’inscription sur la liste collectivités, sur la liste ville ou sur la liste de prise en charge de la rétrocession, mais qui ne sont pas encore inscrits sur la liste en sus.

En effet, comme l’explique l’étude d’impact du PLFSS pour 2024 (annexe 9 du PLFSS), il existe une période non couverte entre la fin de prise en charge au titre de l’accès précoce et le nouvel avis de la commission de la transparence, dans le cas où le premier avis n’aurait pas permis une inscription sur la liste en sus. Cette nouvelle modalité de prise en charge est donc une prise en charge en sus des tarifs d’hospitalisation, mais temporaire, permettant au laboratoire de consolider son dossier en vue d’un nouveau passage en CT-HAS.

Ce régime temporaire de prise en charge est accessible si les conditions suivantes sont remplies :

  • Le médicament est classé dans une catégorie, définie par voie réglementaire, de médicaments réservés à un usage hospitalier ;
  • Le médicament n’est pas pris en charge au titre de la liste en sus ;
  • Le médicament a fait l’objet d’un avis de la commission de la transparence reconnaissant à ce dernier des niveaux de SMR et d’ASMR au moins égaux à un niveau fixé par décret, et estimant que son plan de développement est de nature à fournir les données permettant d’actualiser son évaluation.

Durant cette nouvelle période de prise en charge temporaire, la prise en charge s’effectue sur la base du premier montant non nul déclaré de l’indemnité d’accès précoce. A cette indemnité est appliquée une décote fixée par arrêté des ministres de la Santé et de la Sécurité sociale, tenant compte de l’avis de la commission de la transparence.

Cependant, lorsque le médicament fait l’objet pour une autre indication d’un prix maximal de vente aux établissements, d’une inscription sur la liste ville ou sur la liste en sus, la prise en charge temporaire s’effectue sur la base de ce prix ou de ce montant de prise en charge.

L’entreprise doit continuer de déclarer au CEPS le chiffre d’affaires concernant la spécialité en question.

Pour chaque indication du médicament bénéficiant de cette nouvelle prise en charge, l’entreprise titulaire de l’autorisation reste soumise au mécanisme de remises prévu pour l’accès précoce. Ces taux de remises sont cependant majorés, majorations reconductibles chaque année, à compter de la deuxième année de prise en charge au titre de cette nouvelle modalité, ainsi qu’en cas de dépassement du délai prévu dans l’avis de la commission de la transparence ou en cas d’absence de signature d’une convention fixant le tarif du médicament dans un délai de 180 jours à compter de la demande d’inscription sur la liste en sus.

Il est mis fin à cette nouvelle prise en charge :

  • En cas d’inscription du médicament sur la liste en sus ;
  • Par arrêté des ministres de la Santé et de la Sécurité social si un nouvel avis de la commission de la transparence ne permet pas l’inscription sur la liste en sus ;
  • En cas de retrait de l’autorisation de mise sur le marché, de radiation de la liste collectivités ou d’absence / de retrait de demande d’inscription sur la liste en sus ;
  • Au delà d’une durée fixée par décret et ne pouvant être supérieure à 3 ans.