La prise en charge des médicaments par l’Assurance maladie
Les médicaments, une fois autorisés à être mis sur le marché et évalués par la Haute Autorité de Santé (HAS), peuvent être inscrits sur des listes autorisant leur remboursement par l’Assurance maladie. Sous certaines conditions.
Comme nous l’avons vu précédemment, les taux de prise en charge par la solidarité nationale des médicaments sont liés au niveau de service médical rendu (SMR) évalué par la commission de la transparence (CT) de la Haute Autorité de Santé (HAS). L’attribution du taux de prise en charge ne laisse ainsi pas de possibilité d’appréciation au directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) (R.160-5 CSS), ce dernier étant compétent pour décider du taux de participation de l’assuré.
Le taux de prise en charge varie ainsi selon l’évaluation des médicaments :
- 100 % pour les médicaments irremplaçables et coûteux ;
- 65 % pour les médicaments à SMR majeur ou important ;
- 30 % pour les médicaments à SMR modéré ;
- 15 % pour les médicaments à SMR faible.
En fonction des contrats, les complémentaires santé peuvent couvrir une part voire la totalité du reste à charge pour les assurés sociaux.
Précisons que les médicaments sont pris en charge par l’Assurance maladie uniquement s’ils sont prescrits par certains professionnels de santé. Je traiterai de la question de la prescription dans un chapitre que je publierai ultérieurement sur ce site !
Une fois le taux de participation de l’assuré fixé par l’UNCAM en fonction de l’avis de la CT-HAS, il reste une décision importante à prendre : celle d’inscrire ou non le médicament sur une liste ouvrant droit à une prise en charge par la solidarité nationale. C’est en effet l’inscription par les ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale sur une liste de prise en charge qui détermine (en dehors des cas particuliers d’accès précoce, compassionnel et direct) si le médicament sera remboursé ou non par la sécurité sociale.
Plusieurs listes de prise en charge existent ; les deux principales sont :
- La liste de l’article L.162-17 CSS, alinéa 1er du code de la sécurité sociale, dite liste des médicaments et spécialités remboursables ou liste ville, concerne les spécialités pharmaceutiques disposant d’une AMM, les médicaments faisant l’objet d’une distribution parallèle ou d’une autorisation d’importation parallèle.
Cette liste permet à ces médicaments d’être pris en charge lorsqu’ils sont dispensés en officine.
- La liste de l’article L.5123-2 CSP, dite liste collectivités, donne accès au « marché hospitalier ».
Seuls les médicaments inscrits sur cette liste peuvent être achetés par les établissements de santé, sauf s’ils relèvent d’une autorisation d’accès précoce, d’accès compassionnel, d’une autorisation comme médicament de thérapie innovante préparé ponctuellement, d’une autorisation d’utilisation en association (L.162-18-1 CSS) ou d’une autorisation d’importation dans le cadre d’une rupture de stock.
Deux listes, fonctionnant ensemble, restent à étudier, il s’agit des listes rétrocession ; la première est une liste de dispensation, la seconde une liste de prise en charge :
- La liste de l’article L.5126-6 CSP, dite liste rétrocession. Cette liste détermine quels médicaments peuvent être vendus au public, au détail, par les pharmacies à usage intérieur de certains établissements de santé. Il est précisé que les médicaments faisant l’objet d’une autorisation d’accès précoce ou d’une continuité post-accès précoce ainsi que les médicaments faisant l’objet d’une autorisation ou d’un cadre de prescription compassionnelle sont réputés inscrits sur cette liste, s’ils ne sont pas classés dans la catégorie des médicaments réservés à l’usage hospitalier.
- L’article L.162-17 CSS, alinéa 2 précise que les médicaments inscrits sur cette liste ne peuvent être pris en charge que s’ils figurent sur une liste supplémentaire (que nous appellerons liste de prise en charge de la rétrocession).
Une autre liste est à étudier, et concerne spécifiquement les médicaments particulièrement onéreux :
- La liste en sus, prévue à l’article L.162-22-7 CSS. L’inscription d’un médicament sur la liste en sus permet aux établissements de se voir remboursés du prix de celui-ci, en sus du tarif forfaitaire des prestations d’hospitalisation déjà versées par l’assurance maladie aux établissements.
L’inscription sur une liste de prise en charge est effectuée par arrêté des ministres de la santé et de la sécurité sociale (R.163-2 CSS). Les médicaments sont inscrits sur la liste ville, collectivités ou de prise en charge de la rétrocession au vu de l’appréciation du SMR ; les médicaments au SMR insuffisant ne sont pas inscrits sur une de ces listes (R.163-3 CSS). L’inscription ou la modification des conditions d’inscription des médicaments sur l’une de ces listes est prononcée indication par indication après avis de la commission de la transparence (CT) (R.163-4 CSS). L’avis de la CT n’est cependant pas requis, notamment, pour les spécialités génériques si leurs spécialités de référence figurent sur ces listes, ni pour les médicaments biosimilaires si leurs spécialités de référence figurent sur ces listes (R.163-4 CSS).
Ne peuvent être inscrits sur ces listes (R.163-5 CSS) :
- Les médicaments dont les éléments de communication font mention d’une utilisation non thérapeutique ou sans visée diagnostique ;
- Les médicaments ayant reçu un ASMR 5 de la part de la CT et n’entraînant pas d’économies dans le coût du traitement médicamenteux (sauf en ce qui concerne les médicaments génériques et biosimilaires) ;
- Les médicaments pouvant entraîner des hausses de consommation ou des dépenses injustifiées ;
- Les médicaments dont la forme, le dosage ou la présentation ne sont pas justifiés par l’utilisation thérapeutique ou diagnostique.
L’article R.163-7 CSS liste un certain nombre de cas pouvant entraîner la radiation d’un médicament de ces listes, après avis de la commission de la transparence (CT).
Selon l’article R.163-9 CSS, les décisions d’inscription d’un médicament sur la liste ville, de fixation du prix du médicament ou de fixation de la participation de l’assuré sont « prises et communiquées à l’entreprise dans un délai de 180 jours à compter de la réception par le ministre chargé de la sécurité sociale » de la demande d’inscription sur la liste. Les décisions d’inscription sur la liste de prise en charge de la rétrocession sont prises et communiquées à l’entreprise dans un délai de 175 jours. Les décisions d’inscription du médicament sur la liste collectivités, lorsque l’entreprise n’a pas demandé simultanément une inscription sur la liste ville, doivent être prises et notifiées dans les 90 jours.
Le cas particulier de la prise en charge de l’association de traitement
La dépense remboursée liée à la prise en charge de médicaments sur la liste en sus est, chaque année, en forte croissance (environ 6%). Or, il n’est pas rare que les médicaments innovants inscrits sur la liste en sus soient utilisés au sein des établissements en association avec un autre médicament.
Par exemple, le médicament B, inscrit sur la liste en sus, est ainsi utilisé en association avec le médicament A, sans que le médicament B ne dispose d’une AMM dans l’indication du médicament A. Dans ce cas, le médicament A dispose d’une AMM en association avec le médicament B ; le médicament B ne dispose cependant pas d’une AMM en association avec le médicament A. C’est le principe de l’AMM miroir.
Dans ce cas, les conditions tarifaires liées à l’utilisation hors référentiel de la liste en sus du médicament qui y était inscrit (le médicament B, dans l’exemple ci-dessus) n’étaient pas prévues. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 a donc cherché à régulariser les conditions financières de la prise en charge d’un médicament inscrit sur la liste en sus lorsqu’il est utilisé en association avec un autre médicament.
A donc été créé, dans le code de la sécurité sociale, l’article L.162-18-1. Ce dernier oblige les entreprises titulaires d’un médicament inscrit sur la liste en sus, susceptible d’être autorisé en association avec un médicament disposant d’une prise en charge de droit commun ou au titre de l’accès précoce, et ne disposant pour cette indication en association ni d’une AMM ni d’une autorisation d’accès précoce ou compassionnel, à déclarer au CEPS chaque année le chiffre d’affaires annuel réalise au titre de ce médicament.
Sur demande d’une de ces entreprise, les ministres de la santé et de la sécurité sociale peuvent autoriser l’utilisation et la prise en charge de ces médicaments utilisés en association d’un médicament inscrit sur la liste en sus. En contrepartie, ces entreprises doivent reverser des remises calculées sur le chiffre d’affaires de la thérapie dans cette utilisation en association. Si le décret d’application de ce dispositif de prise en charge a été publié en juin 2023 et codifié aux articles R.163-59 et suivants du CSS, l’arrêté concernant les barèmes de remises se fait toujours attendre.
Le tarif forfaitaire de responsabilité
Dans le cas des médicaments inscrits dans un groupe générique, l’article L.162-16 du code de la sécurité sociale prévoit que la prise en charge du médicament par l’assurance maladie peut s’effectuer sur la base d’un tarif forfaitaire de responsabilité, fixé par le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Ce dispositif a été pensé afin de limiter le remboursement des médicaments au prix de leur équivalent générique le moins cher, afin de favoriser le recours aux génériques et de limiter les dépenses de l’assurance maladie.
Comme nous l’avons vu, pour la majorité des médicaments pris en charge par l’Assurance maladie, celle-ci ne rembourse qu’une partie du prix du médicament. La partie restant à la charge de l’assuré est appelée “ticket modérateur”.
Le ticket modérateur est pris en charge par les complémentaires santé en fonction des contrats souscrits. Il est totalement pris en charge pour les personnes bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (CSS) ainsi que pour les personnes détenues. Dans certains cas, le ticket modérateur peut être réduit voire supprimé (L.160-14 CSS).
Egalement, l’application de la franchise médicale permet d’augmenter le reste à charge des assurés sociaux et de diminuer les remboursements de l’Assurance maladie. Ce mécanisme est prévu au III.- de l’article L.160-13 du code de la sécurité sociale, mais les montants pris en application de cet article sont prévus par voie réglementaire (décret), à l’article D.160-9 CSS.
Pour les médicaments, la franchise médicale est fixée à 0,50€ par boîte, déduits des remboursements effectués par l’Assurance maladie aux assurés sociaux. Cette franchise ne peut dépasser un plafond de 50€ par an et par assuré social.
La franchise médicale n’est pas applicable aux médicaments délivrés à l’occasion d’une hospitalisation. En vertu de l’article L.160-15 CSS, elle n’est pas non plus applicable aux mineurs ni aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire.
Elle est en revanche due par les personnes bénéficiant du tiers-payant, qui doivent reverser la franchise à l’Assurance maladie par versement ultérieur, étant donné qu’aucun remboursement versé sur leur compte bancaire ne permet de déduire la franchise.