L’autorisation de mise sur le marché (AMM)
Obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) est un passage obligé pour qu’un médicament puisse être commercialisé, puis éventuellement pris en charge par la sécurité sociale.
La question de l’autorisation de mise sur le marché est prévue par l’article L.5121-8 du code de la santé publique, qui dispose que « toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement ou selon une méthode dans laquelle intervient un processus industriel (…) qui ne fait pas l’objet d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Union européenne (…) doit faire l’objet, avant sa mise sur le marché ou sa distribution à titre gratuit, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ».
Les autorisations de mise sur le marché des médicaments sont, désormais, très largement demandées au niveau européen. Le droit de l’UE encadre la mise sur le marché des médicaments :
- pour ce qui concerne les AMM en général, par le titre III de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain
- pour ce qui concerne spécifiquement les AMM centralisées octroyées par la commission européenne, par le règlement n°726/2004.
Sous l’effet de l’influence du droit européen, les procédures nationales et européenne sont devenues quasiment identiques.
Les éléments communs de procédure de demande d’AMM
Que la demande d’AMM soit effectuée au niveau national ou européen, un certain nombre d’obligations sont identiques. Tout d’abord, le médicament doit dans tous les cas répondre à des exigences de :
- qualité
- sécurité
- efficacité
une AMM étant refusée si (art. 26 directive 2001/83/CE) :
- le rapport bénéfice/risque n’est pas considéré comme favorable
- l’effet thérapeutique du médicament n’est pas suffisamment démontré
- le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée.
Ainsi, l’entreprise doit présenter dans sa demande d’AMM, qu’elle soit adressée à une agence nationale (l’ANSM en France) ou à l’agence européenne du médicament (EMA), un dossier regroupant (art. 8, par.3 directive 2001/83/CE) :
- le nom et la raison sociale du demandeur
- le nom du médicament
- les résultats des essais analytiques, toxicologiques, pharmacologiques et cliniques réalisés pour le médicament
- la composition qualitative et quantitative de tous les composants du médicament, comprenant la mention de la dénomination commune internationale ou la dénomination chimique
- une évaluation des risques potentiels que le médicament peut présenter pour l’environnement
- la description du procédé de fabrication
- les indications thérapeutiques
- la forme du médicament, le mode et la voie d’administration
- les mesures de précaution de stockage
- la description des méthodes de contrôle du fabricant
- la preuve de l’existence d’une personne qualifiée (qualified person) responsable en pharmacovigilance, des États membres dans lesquelles celle-ci exerce ses activités, et ses coordonnées
- une déclaration de l’entreprise attestant qu’elle dispose des moyens lui permettant d’assurer ses obligations de pharmacovigilance
- l’adresse du lieu où le dossier permanent du système de pharmacovigilance est conservé
- le plan de gestion des risques pour le médicament
- une copie de toute AMM obtenue dans un autre État membre ou un pays tiers
- un résumé des informations de sécurité comprenant les données des rapports périodiques de sécurité et les notifications d’effets indésirables suspectés
- un résumé des caractéristiques du produit (RCP)
- la notice proposée ou approuvée par l’autorité compétente
- les détails de tout refus d’autorisation dans un autre État
- une attestation écrite de respect par le fabricant de la substance active des bonnes pratiques de fabrication.
Le droit européen de l’AMM couvre également la notion de « carte d’identité du médicament », composée des RCP, de l’emballage ou du conditionnement du médicament, de sa notice et de son étiquetage ; cette « carte d’identité » doit respecter des dispositions prévues à l’article 6 de la directive 2001/83/CE, au risque de ne pas obtenir d’AMM.
La procédure nationale d’AMM
Encadrée par la directive 2001/83/CE, la procédure d’AMM nationale est déclenchée à partir de la demande d’une entreprise, demande devant comprendre les pièces précédemment listées ; l’article 17 de la directive précise que la procédure doit durer au maximum 210 jours.
L’article L.5121-8 dispose, de façon identique à ce qui est prévu pour la procédure centralisée, que l’AMM est « délivrée pour une durée de cinq ans et peut ensuite être renouvelée », le cas échéant « sans limitation de durée », dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, « sur la base d’une réévaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament ou produit au regard des risques ». L’ANSM peut également décider de procéder à un renouvellement pour une nouvelle durée de cinq ans, si elle ne souhaite pas à l’issue du premier délai de cinq ans renouveler l’autorisation sans limitation de durée ; elle peut également modifier l’AMM.
L’article L.5121-8 CSP précise que l’AMM délivrée par l’ANSM « peut être assortie de conditions appropriées, notamment l’obligation de réaliser des études de sécurité ou d’efficacité post-autorisation ». Le même article précise que « le demandeur de l’autorisation peut être dispensé de produire certaines données et études dans des conditions fixées par voie réglementaire ». Le demandeur doit être « établi dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ».
L’article L.5121-8-1 CSP dispose, qu’après délivrance de l’AMM, l’ANSM peut exiger de l’entreprise titulaire qu’elle effectue des études de sécurité ou d’efficacité post-autorisation, voire un suivi spécifique du risque au travers d’un registre de patients (voir la page pharmacovigilance – en cours de rédaction).
L’article L.5121-9 prévoit que l’AMM est refusée « lorsqu’il apparaît que l’évaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament ou produit au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à sa qualité, à sa sécurité ou à son efficacité n’est pas considérée comme favorable, ou qu’il n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée, ou que l’effet thérapeutique annoncé fait défaut ou est insuffisamment démontré par le demandeur » – il s’agit là d’une reprise presque mot pour mot de l’article 26 de la directive européenne 2001/83/CE. Ainsi, non seulement le médicament doit être sûr d’un point de vue de la qualité et de la sécurité, mais il doit en outre présenter un intérêt thérapeutique – en tout cas, par rapport à un placebo.
Le même article prévoit, en son troisième alinéa, la possibilité de l’octroi d’une AMM dans des circonstances exceptionnelles, sous réserve du respect d’obligations spécifiques, même si le demandeur n’est pas en mesure de fournir des renseignements complets sur l’efficacité et la sécurité du médicament – une réévaluation doit avoir lieu annuellement pour maintenir ou non cette AMM. Il s’agit là d’une reprise de l’article 22 de la directive européenne 2001/83/CE. Prévue aussi au niveau de la procédure d’AMM centralisée européenne par le règlement n°726/2004, cette procédure est notamment utile en ce qui concerne les maladies rares (étant donné le nombre trop faible de malades pour apporter des données d’efficacité suffisantes) ou pour des maladies mortelles pour lesquelles il ne serait pas éthique d’isoler un groupe de patients malades et de ne leur administrer qu’un placebo pour la seule fin de constituer une étude en double aveugle en bonne et due forme.
L’article L.5121-9 prévoit également les cas de suspension (temporaire) ou de retrait (définitif) d’une AMM, dans les cas où le médicament présenterait des défauts de qualité, de sécurité ou d’efficacité, où le rapport bénéfice/risque ne serait plus considéré comme favorable et où l’entreprise titulaire n’aurait pas rempli ses obligations de pharmacovigilance ou de fourniture d’études post-AMM. En application du principe de précaution, des doutes sérieux peuvent conduire une autorité à suspendre ou retirer une AMM (jurisprudence TPICE, 26 novembre 2002, Artegodan).
L’article L.5121-9-1 prévoit un cas à part d’AMM, celui de l’autorisation qualifiée par la doctrine de sui generis. L’AMM sui generis, que nous avons évoqué lors de l’étude des préparations magistrales et hospitalières, est une application de l’article 126 bis de la directive européenne 2001/83/CE. Elle permet aux États membres d’autoriser la mise sur le marché d’un médicament, si ce dernier dispose d’une AMM dans un autre État membre. Ceci permet une mise sur le marché en l’absence de demande déposée en ce sens par le laboratoire.
La procédure d’AMM centralisée
L’AMM centralisée est, de loin, la plus utilisée par les entreprises pharmaceutiques. Non seulement parce qu’elle permet une mise sur le marché dans l’ensemble des pays membres de l’UE, mais aussi parce que la procédure centralisée est obligatoire pour un certain nombre de types de médicaments.
La procédure centralisée est ainsi obligatoire pour les médicaments cités en annexe du règlement n°726/2004, c’est à dire :
- les médicaments issus d’un procédé biotechnologique (ADN recombinant, anticorps monoclonaux notamment)
- les médicaments orphelins tels que définis par le règlement (CE) n°141/2000
- les médicaments de thérapie innovante tels que définis à l’article 2 du règlement (CE) n°1394/2007
- les médicaments contenant une nouvelle substance active qui, à la date d’entrée à vigueur du règlement n°726/2004, n’était pas autorisée dans l’UE et dont l’indication thérapeutique est le traitement du SIDA, d’un cancer, d’une maladie neurodégénérative, du diabète, et à partir de 2008 d’une maladie auto-immune ou virale.
L’article 3 du règlement n°726/2004 prévoit que tout médicament ne figurant pas dans cette liste peut faire l’objet d’une AMM délivrée par l’UE, si :
- ce médicament contient une substance active qui n’était pas autorisée dans l’UE au 20 mai 2004
ou si
- le demandeur démontre que ce médicament constitue une innovation significative ou que la délivrance d’une AMM présenterait un intérêt européen pour la santé des patients.
La procédure d’AMM centralisée est également ouverte optionnellement aux génériques de médicaments de références.
Le dossier de demande d’AMM centralisée doit comprendre les mêmes pièces justificatives que celles visées par la directive n°2001/83 (voir plus haut), soit les mêmes pièces qu’une demande formulée à l’échelon national.
La demande d’AMM est étudiée par le comité des médicaments à usage humain de l’agence européenne du médicament (EMA), comité plus souvent identifié par les acteurs pharmaceutiques sous son acronyme anglais de CHMP (Committee for Medicinal Products for Human Use).
A la différence des demandes d’AMM nationales, le niveau européen implique que les renseignements fournis « tiennent compte du caractère unique » pour l’ensemble de l’UE de l’autorisation sollicitée, et comportent donc l’utilisation d’un nom unique pour le médicament (article 6 du règlement n°726/2004). Des renseignements supplémentaires, listés au 2. du même article, doivent également être inclus si la demande concerne un médicament contenant des organismes génétiquement modifiés.
Une fois la demande valide reçue, le CHMP doit rendre son avis dans un délai de 210 jours. L’agence informe le demandeur immédiatement si, selon le CHMP, la demande ne peut aboutir (RCP incomplet, insatisfaction des critères d’autorisation, étiquetage ou notice non conforme, …). L’agence informe également le demandeur si, selon le CHMP, l’AMM doit être délivrée sous réserve de conditions spéciales (prévues par l’article 14, par.8).
L’avis définitif du CHMP est ensuite adressé par l’EMA à la Commission européenne, aux États membres de l’UE ainsi qu’au demandeur. La Commission prépare ensuite dans les 15 jours un projet de décision concernant le médicament, qui est transmis aux États membres et au demandeur. Puis, le comité permanent des médicaments à usage humain (attention : ce comité est différent du CHMP : il ne s’agit pas d’un organe interne à l’EMA mais d’un organe composé de représentant des États membres et placé auprès de la Commission européenne) rend un avis dans les 22 jours. Après la réception de cet avis, la Commission européenne prend une décision définitive dans les 15 jours (art.10 du règlement 726/2004).
Une fois l’AMM délivrée, l’EMA peut imposer des études d’efficacité ou de sécurité post-autorisation au laboratoire titulaire de l’autorisation.
L’AMM est valable pendant cinq ans (art.14 du règlement 726/2004), cette dernière pouvant être renouvelée à la fin de ce délai, sur la base d’une nouvelle évaluation du rapport bénéfice/risque. Une fois l’AMM renouvelée, elle est valable pour une durée illimitée.
Les procédures centralisées spécifiques
Afin de répondre à des questions éthiques et de santé publique particulières, l’Union européenne a prévu plusieurs procédures dérogatoires d’obtention d’une AMM.
Ainsi, la procédure communément appelée « fast-track » (bien que l’article 14.9 du règlement 726/2004 ne comprenne pas ces termes) permet une évaluation accélérée des médicaments « présentant un intérêt majeur du point de vue de la santé publique et notamment du point de vue de l’innovation thérapeutique » ; le délai de remise de l’avis du CHMP passe alors de 210 jours à 150 jours.
La procédure d’AMM conditionnelle, quant à elle, est prévue par l’article 14-bis du règlement n°726/2004. Cette procédure est effectuée au cas par cas afin de « répondre à des besoins médicaux non satisfaits de patients », et concerne les médicaments destinés au traitement, au diagnostic ou à la prévention :
- de maladies invalidantes graves
- de maladies mettant la vie en danger
Cette procédure conditionnelle permet une mise sur le marché « avant que les données cliniques exhaustives ne soient communiquées, à condition que le bénéfice que représente la disponibilité immédiate du médicament sur le marché l’emporte sur les risques inhérents au fait que des données supplémentaires restent à apporter » ; cet aspect est précisé plus loin : une telle AMM ne peut être octroyée « que si le rapport bénéfice/risque du médicament est favorable et que le demandeur est susceptible de pouvoir fournir des données exhaustives ». Est également précisé que « dans les situations d’urgence, une autorisation de mise sur le marché de tels médicaments peut être délivrée même en l’absence de communication de données précliniques ou pharmaceutiques exhaustives ».
La notion de « besoin médical non satisfait » est précisée par l’article 14-bis : il s’agit d’une « affection pour laquelle il n’existe pas de méthode satisfaisante de diagnostic, de prévention ou de traitement autorisée dans l’Union ou, même si une telle méthode existe, pour laquelle le médicament concerné apportera un avantage thérapeutique majeur aux malades ».
La délivrance d’une AMM conditionnelle implique des « obligations spécifiques », qui sont précisées au cas par cas, mais qui comprennent dans tous les cas l’obligation « d’achever les études en cours ou d’en mener de nouvelles afin de confirmer que le rapport bénéfice/risque est favorable ». Une telle AMM est valable pour un an et est renouvelable.