Avant la mise à disposition de « droit commun » : le dispositif d’accès direct
Il existe des délais relativement importants entre l’évaluation scientifique d’un médicament par la HAS et la prise en charge par la sécurité sociale de celui-ci. Afin de permettre une mise à disposition rapide au bénéfice des patients dès l’évaluation par la HAS, le dispositif transitoire de l’accès direct a été mis en place.
Situé après l’évaluation du médicament par la HAS mais avant la prise en charge « de droit commun » par l’assurance maladie par inscription sur une liste de prise en charge (cf plus bas), le mécanisme d’accès direct est inspiré du modèle allemand permettant une mise à disposition directe d’un produit de santé après son évaluation clinique et médico-économique.
Le dispositif d’accès direct n’a pas été codifié : il est prévu par l’article 62 de la loi n°2021-1754 de financement de la sécurité sociale pour 2022. Cette absence de codification est liée au fait que ce mécanisme est prévu à titre expérimental. Les conditions d’application de ce dispositif ont été précisées par le décret n°2023-367 du 13 mai 2023, ainsi que par l’arrêté du 30 juin 2023 fixant le barème progressif des taux de remises de l’accès direct.
Les conditions d’application de l’accès direct
Selon le I.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022, ce dispositif concerne des spécialités pharmaceutiques qui, pour une indication particulière :
- ne font pas l’objet d’une autorisation d’accès précoce
- disposent d’une AMM dans cette indication
- ne sont pas inscrites dans d’autres indications sur la liste des médicaments et spécialités remboursables (dite “liste ville”)(de l’article L.162-17 CSS)
- ne sont pas prises en charge au titre de l’accès compassionnel ou d’un cadre de prescription compassionnel et dispensés en officine de ville à ce titre.
A contrario, et cela a été confirmé par l’article 2 du décret n°2023-367 du 13 mai 2023, le médicament peut bénéficier du dispositif d’accès direct dans une indication en étant déjà pris en charge dans une ou plusieurs autres indications au titre de la liste de prise en charge de la rétrocession, des listes en sus, des listes collectivités voire en étant pris en charge au titre de l’autorisation compassionnelle ou du cadre de prescription compassionnel et dispensés en établissement ou en pharmacie à usage intérieur. Dans ces cas précis, la prise en charge au titre de l’indication bénéficiant de l’accès direct s’effectue dans les conditions tarifaires déjà prévues pour la ou les indications pour lesquelles des conditions tarifaires ont déjà été fixées.
Le dispositif d’accès direct permet :
- une prise en charge par l’assurance maladie
- pour une durée maximale d’un an
- dans certains établissements de santé.
Le II.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022 précise que les spécialités bénéficiant de l’accès direct font l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie sous les conditions cumulatives suivantes :
- La demande de prise en charge au titre de l’accès direct doit être déposée par l’exploitant au plus tard un mois après la publication de l’avis rendu par la commission de la transparence sur le médicament dans l’indication concernée.
Le décret n°2023-367 du 13 mai 2023 précise que cette demande est adressée par voie dématérialisée aux ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale, demande étant accompagnée d’un dossier comportant les informations nécessaires pour apprécier le respect des conditions d’éligibilité du médicament à la procédure d’accès direct ainsi que des éléments permettant d’apprécier l’impact de cet accès direct sur les dépenses d’assurance maladie. La liste des pièces composant le dossier est fixée par l’arrêté du 17 mai 2023 fixant la liste des pièces composant le dossier de demande de prise en charge au titre de l’accès direct.
- Dans le cas où le médicament est réservé à l’usage hospitalier, il doit remplir les critères pour être inscrite sur la liste en sus (de l’article L.162-22-7 CSS) dans l’indication considérée, et une demande d’inscription sur cette liste doit être formulée en même temps que la demande de prise en charge au titre de l’accès direct.
- Le SMR évalué par la commission de la transparence doit être d’un certain niveau (celui-ci doit être majeur ou important, précise le décret d’application 2023-367 relatif à l’expérimentation de l’accès direct).
- L’AMSR évalué par la commission de la transparence doit être d’un certain niveau (celui-ci doit être IV, III, II ou I, précise le décret d’application 2023-367 relatif à l’expérimentation de l’accès direct).
- L’exploitant s’engage à permettre d’assurer la continuité des traitements initiés pendant l’accès direct et pour une durée d’au moins un an à compter de l’arrêt de la prise en charge au titre de l’accès direct, sauf en cas d’arrêt de commercialisation pour des raisons de sécurité sanitaire.
La prise en charge est ensuite décidée conjointement par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Le IV.- de l’article 1 du décret n°2023-367 du 13 mai 2023 précise que les ministres notifient à l’entreprise leur décision dans les 45 jours suivant la réception du dossier complet ; en cas de silence gardé par les ministres, celui-ci vaut refus de la demande d’accès direct. Les ministres doivent cependant communiquer les motifs de ce refus dans un délai d’un mois si l’entreprise en fait la demande.
Le III.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022 prévoit que la prise en charge au titre de l’accès direct peut être assortie de conditions concernant la qualification ou la compétence des prescripteurs, l’environnement technique des soins ou leur organisation et d’un dispositif de suivi des patients traités. Egalement, la prise en charge peut être assortie de conditions particulières de prescription, dispensation ou utilisation. Le V.- de l’article 1 du décret n°2023-367 du 13 mai 2023 est venu préciser que « lorsqu’elles ne sont pas délivrées au cours d’une hospitalisation, les spécialités faisant l’objet d’un accès direct sont délivrées par la pharmacie à usage intérieur de l’établissement de santé dans le cadre de la rétrocession ».
La prise en charge de l’accès direct par l’assurance maladie
Le IV.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022 est relatif aux conditions budgétaires de l’accès direct. Ce dispositif étant dérogatoire au droit commun, il était en effet nécessaire de prévoir les conditions financières de la prise en charge. De façon similaire à l’accès précoce, le IV.- précise ainsi que l’exploitant du médicament en accès direct déclare au CEPS le montant de l’indemnité maximale qu’il réclame aux établissements de santé pour le médicament, si celui-ci :
- ne fait pas l’objet d’un prix maximal de vente aux établissements de santé (dispositif prévu au L.162-16-4-3 CSS) ;
- ne figure pas sur la liste de prise en charge de la rétrocession (dispositif du L.162-17 CSS, alinéa 2, voir plus bas)
- ne figure pas sur la liste en sus (dispositif du L.162-22-7 CSS, voir plus bas).
Autrement dit, comme pour l’accès précoce, l’industriel fixe librement le montant de l’indemnité du médicament pendant la période de l’accès direct, en échange d’un système de remises et de remboursement final, comme nous allons le voir.
Chaque année, l’entreprise exploitant le médicament en accès direct doit informer le Comité économique des produits de santé (CEPS) du chiffre d’affaires (CA) correspondant à ce médicament au titre de l’accès direct et le nombre d’unités fournies au titre de l’année civile précédente.
Puis, il est précisé que l’entreprise reverse chaque année à la sécurité sociale des remises calculées sur la base du CA hors-taxe facturé aux établissements de santé, les taux de remises étant définis selon un barème progressif par tranche de CA. Ce barème a été fixé par l’arrêté du 30 juin 2023 fixant le barème progressif de taux de remises de l’accès direct :
Pour la partie de CAHT comprise entre | Taux de remise applicable |
0 € et 1 000 000,00 € | 21 % |
1 000 000,01 € et 5 000 000,00 € | 36 % |
5 000 000,01 € et 20 000 000,00 € | 46 % |
20 000 000,01 € et 50 000 000,00 € | 61 % |
50 000 000,01 € et 100 000 000,00 € | 71 % |
Au-delà de 100 000 000 € | 81 % |
Il est précisé au IV.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022 que pendant la prise en charge au titre de l’accès direct, aucune inscription du médicament sur la liste des médicaments et spécialités remboursables (du L.162-17, voir ci-dessous) ni sur la liste collectivités (du L.5123-2, voir ci-dessous) ne peut avoir lieu. Par dérogation à ce dernier article, le médicament pris en charge au titre de l’accès direct peut être acheté, fourni, pris en charge et utilisé par les établissements sans figurer sur la liste collectivités. Lorsque le médicament n’est pas classé comme réservé à l’usage hospitalier, il est réputé inscrit sur la liste rétrocession (du L.5126-6 CSP).
Lorsqu’un médecin prescrit un médicament pris en charge au titre de l’accès direct, il doit indiquer sur l’ordonnance « prescription au titre de l’accès direct » et informer le patient des conditions spécifiques de prise en charge.
Cette prise en charge s’effectue par l’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation (au même titre que pour la liste en sus).
Le V.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022 précise que la prise en charge par l’accès direct prend fin, dans chaque indication, au plus tard un an après la date de la décision de prise en charge. Cette prise en charge prend fin avant l’expiration du délai dans les cas suivants :
- quand elle est inscrite, au titre de son AMM, sur la liste collectivités (de l’article L.5123-2 CSP, voir ci-dessous), sur la liste des médicaments et spécialités remboursables (de l’article L.162-17 CSS, al.1er, voir ci-dessous) ou sur la liste de prise en charge de la rétrocession (de l’article L.162-17 CSS, al.2, voir ci-dessous) ;
- en cas de demande de l’entreprise exploitant le médicament ;
- par arrêté des ministres de la santé et de la sécurité sociale, en cas de refus d’inscription sur l’une des listes mentionnée ci-dessus ou en cas de retrait de la demande d’inscription.
Le VI.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022 précise que pour l’application spécifique des articles L.162-16-4 CSS (relatif à la fixation d’un prix de vente de médicament au public par convention entre l’entreprise et le CEPS), L.162-16-5 CSS (relatif à la fixation du prix de cession des médicaments inscrits sur la liste rétrocession) et L.162-16-6 CSS (relatif à la fixation des tarifs de responsabilité et des prix limites de vente des médicaments des listes en sus), lorsqu’aucun accord conventionnel n’est trouvé avec le CEPS dans les dix mois à compter de la décision de prise en charge au titre de l’accès direct, un prix de vente (ou de cession dans le cadre de la rétrocession, ou un tarif de responsabilité assorti d’un prix limite de vente dans le cadre de la liste en sus) est fixé par décision du CEPS avant la fin du 12e mois suivant la décision de prise en charge.
Le VII.- du même article précise que lorsqu’un médicament ayant bénéficié du dispositif d’accès direct est inscrit au remboursement, la convention ou la décision fixant le prix net de référence (voir plus bas) de ce médicament détermine aussi le montant de la restitution ou de la remise supplémentaire.
En effet, le CEPS calcule, après recueil des observations de l’entreprise exploitant le médicament :
- 1. le chiffre d’affaires qui aurait résulté de la vente des médicaments au prix net de référence sur la période de l’accès direct
- 2. le chiffre d’affaires facturé aux établissements de santé après déduction des remises sur le chiffre d’affaires évoquées plus haut pendant la période de l’accès direct.
Si le montant 1. est inférieur au 2., l’exploitant verse une remise supplémentaire à l’assurance maladie égale à la différence entre ces deux montants. Dans le cas contraire, est restituée au laboratoire la différence entre ces deux montants, dans la limite de la remise sur le chiffre d’affaires versée sur l’ensemble de la période de l’accès direct.
La fixation du prix net de référence
Attention : les explications qui vont suivre peuvent être ardues et nécessitent d’être familier avec le fonctionnement des modalités de fixation de prix, et notamment du système de remises, expliqués ici.
Sur la base de ces éléments, le CEPS fixe une fois l’accord de prix de droit commun obtenu avec l’entreprise un prix net de référence pour chaque spécialité ; ce prix net est calculé en défalquant les remises conventionnelles (de l’article L.162-18 CSS), pouvant être dues au titre de l’année N+1, du prix du médicament prévu par les articles L.162-16-4 (relatif à la fixation d’un prix de vente de médicament au public par convention entre l’entreprise et le CEPS), L.162-16-5 (relatif à la fixation du prix de cession des médicaments inscrits sur la liste rétrocession) et L.162-16-6 (relatif à la fixation des tarifs de responsabilité et des prix limites de vente des médicaments des listes en sus).
Soit, en clair :
Prix net de référence = prix de droit commun – remises conventionnelles N+1
Le prix net de référence sert donc à calculer ce que le laboratoire doit comme remises supplémentaires à la sécurité sociale lors de la fixation du prix de droit commun, sans que les remises conventionnelles prévues à la fixation du prix de droit commun ne viennent alourdir artificiellement la facture des remises supplémentaires.
Il est précise que les conventions entreprise/CEPS peuvent déterminer un prix net de référence plus bas que celui résultant de ce calcul.
La fixation d’une remise supplémentaire a également lieu lorsque la prise en charge au titre de l’accès direct prend fin ou lorsqu’il y est mis fin sans mise en place d’un remboursement de droit commun. Dans ce cas, le CEPS retient un prix de référence selon les critères des articles L.162-16-4, L.162-16-5 et L.162-16-6 CSS.
Le X.- de l’article 62 de la LFSS pour 2022 est relatif à la période de continuité de traitement, postérieure à la prise en charge au titre de l’accès direct. Pendant cette période :
- lorsque le médicament est inscrite sur la liste des médicaments et spécialités remboursables ou sur la liste de prise en charge de la rétrocession (article L.162-17) ou sur la liste collectivités (L.5123-2 CSP), les conditions de dispensation ou prise en charge au titre de l’inscription sur ces listes s’appliquent
- lorsque le médicament n’est inscrite sur aucune de ces listes, les dernières conditions de dispensation son maintenues ; l’exploitant doit alors permettre l’achat de ce médicament à un tarif n’excédant pas le prix de référence fixé par le CEPS (voir plus haut).
Par dérogation, pendant la période de continuité de traitement, le médicament peut être acheté, fourni et utilisé par les établissements sans figurer sur la liste collectivités du L.5123-2 CSP ; elle est réputée inscrite sur la liste rétrocession du L.5126-6 CSP sauf s’il est classé comme médicament réservé à l’usage hospitalier.
Si l’entreprise exploitante n’assure pas la continuité de traitement, elle s’expose à une pénalité financière ne pouvant excéder 30% du CA HT réalisé en France par l’entreprise au titre du médicament concerné pendant les deux ans précédant la constatation du manquement.