L’évaluation de la Haute Autorité de Santé (HAS)

Autorité française, la HAS intervient le plus souvent après la délivrance par l’EMA ou l’ANSM de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du médicament. Elle effectue une nouvelle évaluation scientifique de ce dernier, afin de guider les décisions de prise en charge par la sécurité sociale et de fixation des prix des médicaments remboursés.

La Haute Autorité de Santé (HAS) est prévue aux articles L.161-37 et suivants du code de la sécurité sociale. En vertu de l’article L.161-37, elle est chargée notamment de « procéder à l’évaluation périodique des produits, actes ou prestations de santé et du service qu’ils rendent, et contribuer par ses avis à l’élaboration des décisions relatives à l’inscription, au remboursement et à la prise en charge par l’assurance maladie des produits ». Il ressort ainsi clairement de cette rédaction (« contribuer ») que la HAS dispose d’une autorité au sens scientifique bien plus qu’elle ne serait une autorité au sens du pouvoir de fixer des normes, cette autorité publique indépendante (API) n’intervenant qu’en préparation de décisions formalisées par voies réglementaires. Son organe interne suprême est le Collège, présidé par une personnalité nommée par le Président de la République.

Deux commissions internes à la HAS sont chargées de l’évaluation des produits de santé : la commission de la transparence (CT) (prévue aux articles L.161-41 CSS et L.5123-3 CSP) et la commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP).

La commission de la transparence (CT) est une commission spéciale de la HAS, prévue aux articles L.161-41 CSS et L.5123-3 CSP. Sa dénomination ainsi que sa composition et ses règles de fonctionnement sont prévues par l’article R.163-15 CSS.

La CT est chargée de :

  • au titre de l’article L.5123-3 CSP : proposer la liste de prise en charge « collectivités » prévue à l’article L.5123-2 CSP ;
  • au titre de l’article R.163-4 CSS : donner un avis sur l’inscription des médicaments sur les listes « collectivité » de l’article L.5123-2 CSP, sur la liste « ville » des spécialités remboursables du premier alinéa de l’article L.162-17 CSS, sur la liste « rétrocession » prévue au deuxième alinéa de ce même article.

A toutes fins utiles, j’explique le fonctionnement de ces listes sur la page dédiée à la prise en charge des médicaments.

L’article R.163-4 précise cependant que l’avis de la CT n’est pas requis en ce qui concerne :

  • les spécialités génériques lorsque leurs spécialités de référence figurent sur les listes citées ci-dessus
  • les médicaments biosimilaires lorsque leurs spécialités de référence figurent sur les listes citées ci-dessus
  • les spécialités bénéficiant d’une autorisation d’importation parallèle lorsque celles-ci disposent d’une AMM en France et figure sur les listes citées ci-dessus
  • les spécialités faisant l’objet d’une distribution parallèle dès lors qu’elles figurent sur les listes citées ci-dessus.

La CT est composée de 22 membres titulaires avec voix délibératives, nommés pour trois ans (renouvelable deux fois) et choisis raison de leurs compétences scientifiques dans le domaine du médicament (pour 20 d’entre eux) et parmi les adhérents d’une association de malades et d’usagers du système de santé (pour 2 d’entre eux). Parmi les 20 membres choisis en raison de leurs compétences scientifiques doit figurer le Président de la CT ; ce dernier est le seul membre titulaire avec voix délibérative nommé par décision du président de la HAS et non par décision du collège.

Enfin, 6 membres issus de l’administration (DSS, DGS, DGOS, ANSM, CNAM, CCMSA) assistent également aux séances en disposant d’une voix consultative. 

Bien entendu, l’article R.163-17 CSS prévoit que le président de la CT peut faire appel à des experts extérieurs à la commission pour l’examen du dossier d’un médicament en particulier.

Les modalités de réunion de la CT sont assez précisément prévues par l’article R.163-16 CSS. Il est à noter que l’article R.163-17 prévoit que la CT élabore elle-même son réglement intérieur.

Les avis de la CT comportent, au titre de l’article R.163-18 CSS :

  • l’appréciation du bien-fondé de la prise en charge du médicament au titre du critère du service médical rendu (SMR, voir plus bas) en fonction des indications thérapeutiques pertinentes ;
  • l’identification des comparateurs cliniquement pertinents (inscrits ou non au remboursement) et l’appréciation de l’amélioration du service médical rendu (ASMR, voir plus bas) par rapport à ces comparateurs ;
  • une appréciation sur les modalités d’utilisation du médicament ;
  • une estimation du nombre de patients relevant des indications thérapeutiques ;
  • pour les médicaments inscrits sur la liste « ville » des spécialités remboursables, leur classement par taux de remboursement en fonction de leur niveau de SMR ainsi qu’une précision quant à la nécessité de les inscrire sur la liste des médicaments irremplaçables et particulièrement coûteux ;
  • une appréciation du conditionnement approprié pour le médicament en fonction des indications thérapeutiques ;
  • de façon non obligatoire, des indications concernant une future réévaluation du SMR ou de l’ASMR du médicament.

On l’aura compris, les deux critères d’évaluation principaux des médicaments par la CT sont ainsi : le service médical rendu (SMR) et l’Amélioration du service médical rendu (ASMR)

Le SMR évalue la performance « absolue » du médicament ; il prend en compte la gravité de la maladie, le rapport bénéfice/risque, le caractère curatif ou préventif du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique et son intérêt pour la santé publique. Il y a quatre niveaux de SMR, qui impliquent chacun un taux différent de remboursement par l’assurance maladie (ces taux étant définis à l’article R.160-5 CSS) : 

  • SMR insuffisant – pas de remboursement ; 
  • SMR faible – remboursement à 15% ; 
  • SMR modéré – 30% ; 
  • SMR majeur ou important, 65% voire 100% pour les médicaments « irremplaçables et coûteux ». 

L’article R. 163-3 CSS liste les différents critères entrant en compte dans l’évaluation du SMR :

  • l’efficacité et les effets indésirables du médicament
  • la place du médicament dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles
  • la gravité de l’affection à laquelle il est destiné
  • le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux
  • son intérêt pour la santé publique (ISP). L’ISP a pour but d’évaluer le bénéfice apporté par le médicament à la collectivité en termes de santé publique, notamment en termes de besoin médical et de gravité de la maladie de la population cible, d’impact du médicament sur l’état de santé de la population en termes de morbidité et mortalité, et d’impact sur l’organisation des soins et l’amélioration du parcours de santé.

L’ASMR évalue quant à lui la performance « relative » du médicament, par rapport à un comparateur spécifique. Il existe 5 niveaux d’ASMR, qui ne sont cette fois pas utilisés pour fixer le taux de remboursement du médicament mais qui représentent des guides pour la négociation du prix du médicament. Les 5 niveaux d’ASMR sont fixés au 2° de l’article R. 163-18 CSS : 

  • ASMR V, inexistence d’amélioration ;
  • ASMR IV, amélioration mineure ;
  • ASMR III, amélioration modérée ;
  • ASMR II, amélioration importante ; 
  • ASMR I, progrès thérapeutique majeur.

La CT se réfère à un comparateur dit cliniquement pertinent, qui peut être un médicament actif (même sans AMM), un placebo, un dispositif médical, un acte, etc., qui doit cependant selon la doctrine de la CT se situer au même niveau de la stratégie thérapeutique que le nouveau médicament et être destiné aux mêmes patients. En l’absence de comparateur pertinent, la CT peut fixer une ASMR qui sera dite « ASMR dans la stratégie thérapeutique ».

Outre l’évaluation clinique et de santé publique, la HAS est chargée au titre du 1° de l’article L.161-37 CSS de réaliser ou valider « les études médico-économiques nécessaires à l’évaluation (…) des produits (…) et technologies de santé ».

L’article R.161-71-3 CSS précise les conditions dans lesquelles la HAS réalise des évaluations médico-économiques, en disposant que « une évaluation médico-économique est requise lorsque les deux conditions suivantes sont remplies » :

  • La reconnaissance ou la confirmation d’une ASMR I, II ou III est sollicitée par l’entreprise ;
  • Le produit ou la technologie a, ou est susceptible d’avoir, un impact significatif sur les dépenses de l’assurance maladie compte tenu de son incidence sur l’organisation des soins, les https://www.has-sante.fr/jcms/p_3358898/fr/decision-n2022-0212/dc/sed/sem-du-23-juin-2022-du-college-de-la-haute-autorite-de-sante-relative-a-l-impact-significatif-sur-les-depenses-de-l-assurance-maladie-declenchant-l-evaluation-medico-economique-des-produits-de-sante-revendiquant-une-asmr-ou-une-asa-de-niveaux-i-ii-ou-iiipratiques professionnelles ou les conditions de prise en charge des malades et, le cas échéant, de son prix.

Concernant cette condition de l’impact significatif sur les dépenses de l’assurance maladie, la HAS détermine l’impact du produit en prenant notamment en compte le chiffre d’affaires prévisionnel ou constaté de celui-ci dans l’indication concernée par la demande est égal ou supérieur à 20 millions d’euros annuel HT (décision du collège de la HAS n°2022.0212/DC/SED/SEM du 23 juin 2022).

Comme l’a souligné Jérôme Peigné dans un excellent bilan de la jurisprudence en matière d’accès au marché (J.Peigné, Le contentieux administratif des procédures d’accès au marché des médicaments remboursables, RDSS 2021, p.117), les avis de la commission de la transparence sont considérés comme des actes préparatoires d’une décision administrative, et ne peuvent ainsi faire l’objet d’un recours en annulation (Conseil d’Etat, 6 octobre 2000, Novartis, n°210733). Un recours peut en revanche bien entendu être formulé contre la décision ministérielle qui décide de l’inscription sur une liste de prise en charge, auquel cas comme l’écrit le Pr. Peigné « les irrégularités susceptibles d’avoir entaché l’avis de la commission pourront toujours être invoquées à l’appui du recours formé contre la décision ministérielle ».